Longtemps considéré comme un circuit au positionnement prix agressif (aux dépens de la qualité de l’expérience d’achat) à destination des consommateurs aux moyens limités, le discount a muté ces dernières années. Il est devenu un circuit multi-facette, pesant lourd dans la distribution. Aldi et Lidl représentent déjà plus de 10% de part de marché de la GSA en France. D’autres enseignes comme Action, Normal ou Mere récemment arrivé, ne sont également pas en reste. Aujourd’hui il est devenu tendance de dénicher des bons plans et de faire ses courses dans ces magasins encore récemment peu fréquentés par une frange plus aisée de la population. Pourtant ces enseignes, si elles ne sont pas boudées, sont assez peu travaillées par le category management ou du moins avec d’importantes pincettes.
Il n’est plus possible pour une marque de se priver de ce circuit de distribution en pleine mutation et dynamique. Ces enseignes font partie des points de contacts des shoppers qui multiplient leurs lieux d’achats. Comment identifier les enjeux et définir un plan d’action avec ces enseignes ?
Le discount : un ensemble d’enseignes aux positionnements différents
Aldi et Lidl, les acteurs historiques élargissent leur positionnement discount
Le panorama des enseignes dites de « discount » a beaucoup évolué en 30 ans. Les « pionnières » sont tout droit venue d’Allemagne et arrivées en France entre 1988 et 1989 avec un positionnement très clair sur l’agressivité des prix de vente. L’offre produit est réduite à son strict minimum et les enseignes ne proposent pas de grandes marques à leur début avec un service en magasin limité à des prêts à vendre sur des étagères ou des palettes.
Aldi et Lidl se sont d’abord concentrés sur les principaux « irritants des clients » des grandes surfaces alimentaires classiques : le temps passé en magasin, le choix de l’offre produit parfois trop important, complexe ou donnant « l’impression » de pousser à l’achat, et la proximité.
Si la majorité de leur clientèle demeure les foyers au pouvoir d’achat limité, Aldi et Lidl ont progressivement orienté leur communication vers des cibles consommateurs plus larges en mettant en avant une offre produit augmentée par exemple. Elles ont fait progressivement rentrer des marques nationales dans leur offre, elles ont rénové leur parc de magasins pour les rendre plus modernes et attractifs. Ces deux enseignes ont également investi dans les leviers de recrutement des jeunes consommateurs comme en témoigne la dernière campagne de communication d’Aldi. Le « hard » discount s’est peu à peu « softenisé ». Néanmoins, les enseignes de discount qui ont réussi à recruter des populations plus jeunes et souvent plutôt féminines sont les enseignes de discount non-alimentaire comme Normal ou Action.
Les destockeurs et enseignes de « bonnes trouvailles » bénéficient de l’influence des réseaux sociaux
Si des enseignes comme Stokomani, la Foir’Fouille, etc… occupent le terrain du discount non alimentaire depuis plusieurs années, une enseigne arrivée en France en 2012 a réussi à se construire une image forte auprès des jeunes consommateurs : Action. Cette enseigne propose des assortiments permanents très limités en nombre de références et elle centralise ses achats aux Pays Bas. Ce sont environ 6000 références qui tournent en fonction des arrivages et des destockages des marques de leurs produits d’hygiène, d’entretien, de cosmétiques, de décoration, etc… Avec ses 600 magasins implantés en France, Action a réussi en très peu de temps à se forger une image de « caverne d’Ali Baba » ou de lieu propice à la chasse au trésor comme en témoignent les nombreuses vidéos virales dites « haul » (littéralement le butin) où Youtubeurs et Tiktokeurs déballent devant leur camera les bonnes trouvailles du jour dans leur magasin discount.
En 2020, d’après Kantar, l’enseigne a même attiré plus de shoppers d’hygiène beauté que Monoprix et Aldi, soit 6,6 millions d’acheteurs. Action constitue (comme Normal ou Noz par exemple) une opportunité pour les marques de GSA pour destocker des anciennes références arrêtées ou prochainement remplacées par de nouvelles formules ou recettes, des surstocks de gammes vendues à l’étranger. Par exemple, il est fréquent de trouver la gamme Elvive (vendue sous le nom Elsève en France) de la marque L’Oréal en soins capillaires. C’est aussi l’opportunité pour des petits fournisseurs d’écouler certains produits sous leur propre marque ou via des marques blanches.
Que ce soient les discounters alimentaires ou les nouvelles enseignes de discount non-alimentaire, du fait de leur poids croissant et du trafic en magasin, les category managers doivent les intégrer dans leur réflexion de parcours d’achat.
Les enjeux du discount pour le category management
La frilosité persistante des marques
Les marques de grande consommation sont souvent précautionneuses dans les assortiments proposés aux enseignes de discount afin de ménager une certaine « susceptibilité » des enseignes alimentaires classiques. La fameuse « taxe Lidl » pratiquée par le Galec, remise de prix de 10% imposée à des fournisseurs référencés chez Lidl, a d’ailleurs opposé le ministère de l’économie et la centrale d’achat des magasins Leclerc devant le tribunal de commerce qui a pour le moment donné raison au distributeur. Pourtant, aux vues du poids croissant des discounters dans la part des achats des consommateurs et de la porosité des parcours d’achat d’une enseigne à l’autre, les fournisseurs doivent considérer l’opportunité de référencer des produits dans ces enseignes de manière permanente et structurée.
Le discount, un point de contact supplémentaire avec les consommateurs
Identifier les profils des shoppers et les objectifs de leur visite en magasin de discount est un premier élément clé. Si certaines catégories comme les lessives, les yaourts, etc… sont fréquentées majoritairement par des clients dont l’enseigne est un point de destination principal pour les courses, pour des catégories comme la beauté, les outils d’aide à la cuisine, la décoration… ces enseignes de discount constituent plutôt des points de trafic occasionnels pour des clients à la recherche de bonnes opportunités, de trouvailles de produits astucieux, tendances à moindre coût. La dimension « prix » reste majeure et les produits proposés doivent garder cette dimension d’attractivité pour toutes les bourses et pour un ticket de caisse final « maitrisé ». La bonne trouvaille, la petite récompense, l’achat d’impulsion sont également à prendre en considération dans ces parcours d’achat et dans l’élaboration de l’assortiment en fonction de la catégorie.
L’assortiment, levier prioritaire pour agir en discount
Identifier les profils des consommateurs devient de plus délicat car leur comportement ressemble de plus en plus à ceux effectués dans les grandes surfaces alimentaires classiques. C’est plutôt leur fréquence, le contenu de leur panier d’achat qui sont décisifs dans l’élaboration de l’offre.
Les enseignes Lidl et Aldi sont une véritable opportunité de référencement permanent d’offre de produits courte, essentielle, avec la possibilité de compléter par des opportunités de promotions (négociées via la centrale nationale ou les sièges allemands internationaux) voire d’arrivages d’offres spécifiques (des lots plus importants, des éditions spéciales et limitées, des destockages d’anciennes références…). Une réflexion quant au rôle de l’impulsion, la petite récompense, ce que les anglais appellent le « treat », doit également être intégrée pour définir des offres produits plus ponctuelles dans des enseignes de softs discount non alimentaires. C’est l’opportunité pour les marques de s’adresser aux shoppers plus jeunes de les recruter à partir de « bons plans », de produits astucieux, innovants, tendances avec un prix attractif. Ces enseignes peuvent constituer une porte d’entrée des marques vers un recrutement de ces jeunes shoppers qui réalisent progressivement leur panier d’achat principal dans des enseignes de GSA classiques.
Ces assortiments temporaires doivent donc être intégrés à une stratégie plus large (plus internationale même parfois) d’opportunisme, d’écoulement de stocks ou de tests de certaines références présentes dans d’autres pays. Avoir la bonne quantité de produits au bon moment, susceptible d’être écoulée rapidement avec une remise attractive.
Les enseignes de discount, qu’elles soient qualifiées de hard, soft, alimentaires, non alimentaires, etc… constituent donc un point de contact dans les parcours d’achats, un point de destination complémentaire à des enseignes de GSA voire un lieu de bonnes trouvailles. La compréhension des profils de shoppers, de leurs attentes et surtout le déploiement de plans d’action adaptés via le levier clé de l’assortiment apparaissent comme des éléments indispensables du category management et ceci dans un contexte actuel de hausse des prix et d’inquiétude quant au pouvoir d’achat.
Ces enseignes commencent à intégrer des démarches initiées par la GSA: sur les services comme le drive, le vrac, comme Aldi en Agnleterre, la carte de fidélité, mais aussi sur les offres produits comme l’intégration de contraintes de développement durables des packaging chez Lidl… Ce sont autant d’enjeux mais d’opportunité de développement pour les marques avec les discounters.
Sources:
Grande Distribution : comment Lidl prend le pouvoir en France, 10 mars 2021 par La Rédaction, Lejournaleconomique.com
L’appétit sans fin des nouveaux discounters, Jean Noël Caussil, LSA du 28 octobre 2020
Hygiène-Beauté : Action attire plus d’acheteurs que Monoprix , Mirabelle Belloir, LSA du 13 avril 2021
Bercy perd contre E. Leclerc qui ne devra pas payer 108 millions d’euros, Yves Puget, LSA du 12 mai 2021
Podcast Les voix de la Conso (Editions Dauvers), L’avenir du discount en France, Episode #16
Effectivement Lidl /Aldi je ne m’y retrouve pas … par contre Action j’aime bien y aller de temps en temps … et NORMAL c’est le démon ! Notamment pour tout ce qui est cosmétiques. Les magasins NORMAL se sont multipliés dans Paris (alors que les Action j’ai l’impression que c’est plus en périphérie) à une période où on se dit « ok j’ai envie de me faire plaisir sans casser la tirelire ». Et ça marche, sauf pour la tirelire car on y prend goût et on y retourne !