3 enseignements que les category managers peuvent tirer des DNVB, et 2 atouts qu’ils peuvent apporter à ces marques dans leur mutation

« Les DNVB ont apporté avec elles un vrai vent de fraîcheur sur la distribution et le branding » constate Victor Gosselin dans son article de janvier 2021. Apparues à la fin des années 2000 aux Etats Unis, cette nouvelle génération de marques s’est focalisée sur la maîtrise de l’expérience consommateur partiellement délaissée par les marques plus historiques et par les distributeurs. Pour se développer, les marques digital native se sont appuyées sur l’agilité procurée par le digital ainsi que par sa capacité à renforcer l’esprit de communauté autour d’une marque, d’un concept, d’un service. Avec leur modèle de vente directe via leur site e-commerce ou leur réseau social, les DNVB n’ont pas intégré de category manager dans leur organisation jusqu’à présent.

La crise du Covid a fait progressivement apparaître une saturation de l’offre proposée par ces marques digital native. Elle implique une nouvelle étape de maturité de ces DNVB qui pour la plupart optent pour le chemin inverse des marques brick & mortars. Pour elles aussi, l’omnicanalité semble être de mise et par voie de conséquence le passage via des intermédiaires de distribution physique en complément du numérique.

Si elles ont beaucoup à apprendre des grandes marques, les DNVB ont aussi beaucoup d’enseignements à transmettre aux acteurs historiques et pas uniquement d’un point de vue marketing et communication digitale.

En effet, le category management peut également évoluer en s’inspirant de leurs pratiques.

Leçon 1: les category managers peuvent se focaliser sur un « problème à résoudre » et non pas uniquement un « job to be done » comme point de départ

Le point de différenciation de l’offre produit ou de service des DNVB avec un marché  jusqu’alors bien occupé par des marques prend sa source dans la construction de sa proposition de valeur. En effet, la DNVB se concentrent sur les « pain points » des consommateurs ou ceux pour qui la solution produit est choisie par défaut car il n’y a pas d’offre produit adéquate à leurs attentes.

Le category management se focalise souvent dans sa définition de la catégorie sur le « Jobs to be done » et parfois oublie que certaines catégories sont forgées par de nombreux « pain points« . Ces fameux obstacles peuvent être niches, secondaires ou ne concerner qu’une partie limitée de consommateurs, mais bien adressés par une réponse adéquate, ils peuvent devenir une source de croissance et de différenciation.

Les marques et les distributeurs ont une tendance  à se focaliser sur les 20% d’offres qui couvrent 80% de la demande pour limiter la complexité de gestion des assortiments (que ce soit dans leurs coûts de production ou dans leurs coûts logistiques) et maximiser le chiffre d’affaires ou la marge par référence.

En lissant progressivement leurs assortiments, ils réduisent leur différenciation et ils dégradent une partie de l’expérience client qui en majorité trouve des produits correspondant « dans une certaine mesure à ses besoins », mais pas totalement.

Leçon 2: les category managers peuvent intégrer une dimension relationnelle à l’expérience d’achat

Les DNVB ont au départ des capacités d’investissement marketing beaucoup plus faibles que les marques historiques. Elles compensent cette faiblesse par une exploitation quasi exclusive du digital en déployant un contenu riche, pertinent, adapté à chacune de leurs cibles consommateurs et aux différents points de contact.

Leur stratégie de content marketing leur permet de cultiver un fort engagement de leurs consommateurs et un relationnel conversationnel et pas uniquement transactionnel. Les consommateurs sont des contributeurs qui peuvent intervenir à différents échelons de la chaîne de valeur des DNVB. Ils y sont fortement et régulièrement encouragés.

Sur des marchés qui se commoditisent, l’offre produit ne repose beaucoup sur la baisse des prix qui ne fait que détruire la valeur. La création d’un lien durable avec ses clients devient un des facteurs clés de la proposition de valeur des marques. Les DNVB savent passer de la simple interaction avec leurs clients à la discussion avec leur communauté. Le contenu qui forge l’écosystème autour du produit et de la marque est devenu un élément centrale dans la réussite des DNVB. Elles incluent tout au long du parcours du client une expérience relationnelle adaptée à chaque point de contact. Les consommateurs ont le sentiment de pouvoir interagir avec leurs marques, autrement (ou pas seulement) qu’avec leur portefeuille. La possibilité de donner son avis, poser des questions, vivre une expérience en amont ou en aval de la simple consommation sont des attentes de la part des consommateurs.

Le category management peut intégrer cette dimension d’interactivité dans le parcours d’achat en point de vente physique, sur un site drive ou e-commerce en s’appuyant notamment sur le digital qui assure de la réactivité, de la souplesse dans le déploiement du dispositif et qui facilite bien sûr le dialogue.

Le levier promotionnel peut s’enrichir de ce content marketing pour ne pas se réduire à une simple surenchère de remise prix. Par exemple, les promotions ou les lancements d’innovations peuvent être accompagnés de live streaming shopping qui permettent un rendez-vous avec les marques, les distributeurs et les consommateurs autour de temps forts comme la puériculture, la foire au vin ou même autour de thématiques et de sujets comme les astuces et les recettes de cuisine. Profiter d’une remise promotionnelle sur un univers pour enrichir l’expérience en répondant à des questions des consommateurs sur des astuces, des recettes, des tendances, des interrogations sur la composition des produits, leur origine…Profiter d’une remise promotionnelle sur un univers pour enrichir l’expérience en répondant à des questions des consommateurs sur des astuces, des recettes, des tendances, des interrogations sur la composition des produits, leur origine…

Ainsi, Leclerc a profité de l’opération beauté, temps fort promotionnel incontournable des enseignes et des marques sur l’univers de l’hygiène beauté, pour se lancer sur Tiktok. Malheureusement, l’enseigne ne maîtrise pas encore l’ensemble des codes de cette plateforme et n’a fait que dupliqué l’annonce de remise prix relayée dans son prospectus.

Une enseigne comme Walmart va plus loin sur son compte Tiktok en mettant en scène ses employés et en incitant ses clients à réagir sur la thématique de la fête des mères par exemple.

L’opportunité de créer des passerelles de contenus exploités sur les différents points de contact ainsi que leur complémentarité sont des enjeux d’efficacité promotionnelle sur des temps forts où la surenchère de remise prix n’est plus suffisante pour attirer les consommateurs.

Opération beauté Leclerc sur Tiktok

Leçon 3: les category managers peuvent augmenter leur réactivité et leur flexibilité

Les DNVB ont une souplesse et une réactivité liées à leur taille mais qui vient également du fait de leur volonté de s’adapter au mieux aux attentes de leurs consommateurs. Les produits, les services, les contenus qui sont développés ne sont pas parfaits mais ils sont déployés rapidement et ils sont optimisés au fil de l’eau en fonction des commentaires et des avis des consommateurs, des performances de vente et de l’impact du bouche à oreille sur l’offre.

Le cycle d’analyse catégorielle pour les marques traditionnelles de grande consommation peut s’avérer long et même si certains tests finissent par être déployés sur des approches merchandising par exemple, leur temps d’exécution reste encore long et rigide. Or les cycles d’adoption de nouveaux usages, d’innovation et de services par les consommateurs sont de plus en plus courts.

Les proofs of concept (POC) et les tests rapide de comparaison de type A/B testing, sont une opportunité pour les enseignes et les marques d’avancer rapidement sur des problématiques comme le décryptage de l’offre, la montée en gamme, la lisibilité d’un rayon… La crise sanitaire de 2020-2021 a pour effet de mettre à l’honneur ceux qui ont « osé » tester des choses: des services drives adhoc, des visio- démonstrations, des assortiments restreints à certains moments pour se focaliser sur la demande massive… Les enseignes et les marques qui ont fait preuve de souplesse, de créativité et « d’audace » pour mettre en place des solutions originales, viables (mais perfectibles ou du moins non finalisées) ont tiré leur épingle du jeu en chiffre d’affaires et en image auprès des consommateurs.

En complément des études menées à long terme, les category managers peuvent intégrer des tests rapides pour valider des hypothèses, des points de réflexion comme le contenu de PLV, l’implantation d’une nouveauté…

Ainsi, les category managers peuvent s’inspirer de certaines pratiques qui font le succès des DNVB pour optimiser l’efficacité de leur catégorie et intégrer une dimension plus relationnelles dans leur plans d’actions.

Les DNVB se trouvent également à un carrefour: la crise sanitaire a depuis 2020 remis en question leur modèle et celles-ci se voient obligées de reconsidérer leur modèle pour évoluer vers les ONVB (omnicanal vertical brands). Dès lors, l’approche catégorielle peut aussi leur être utile dans leur évolution.

2 expertises du category management dont les DNVB peuvent s’inspirer pour évoluer

A partir d’un certain seuil de chiffre d’affaires réalisé via leur présence digitale, les DNVB atteignent un « plafond de verre » comme le mentionne Victor Gosselin. Il leur devient nécessaire, s’il elles veulent continuer de croître, de passer à un modèle omnicanal. Le retail physique ou les plateformes e-commerce comme Amazon, deviennent des opportunités de croissance mais ils impliquent de nombreuses contraintes. Une partie de la chaîne de valeur et le dernier point de contact avec le consommateur ne sont plus  maitrisées par les marques qui doivent « composer avec » les distributeurs intermédiaires. Un des fondements du category management est la mise en place de modes de travail et de collaboration entre une marque et un distributeur de façon la plus efficace possible pour les deux parties.

Le second enseignement que les DNVB peuvent intégrer auprès des category managers est une vision plus holistique de leur produit: comment celui-ci s’intègre dans une catégorie et comment il peut émerger sur une page de résultats Amazon ou dans un rayon de supermarché. Les premières DNVB ont réussi à émerger dans un écosystème digital  peu saturé. Mais depuis quelques années, faire grossir sa communauté et émerger dans l’offre pléthorique est devenu complexe. La remise en perspective d’une offre produit au sein d’un univers, d’une catégorie ou d’un segment et son émergence sont des éléments travaillés quotidiennement par les category managers. Dans un univers de magasins physiques et notamment en hypermarchés où les offres se retrouvent implantées les unes à côtés des autres et en concurrence directe, comment faire croitre son univers, comment développer son chiffre d’affaires et comment faciliter le décryptage de l’offre par les clients, sont des composantes du category management.

 Ainsi, marques historiques et DNVB, marketeurs et category manager peuvent mutualiser leurs expertises pour répondre plus efficacement aux attentes des consommateurs qui ont complexifié et enrichi leurs parcours d’achats.

Sources:

DNVB et crise : vers un inévitable reformatage du business model, Victor Gosselin, 6 janvier 2021, timetodisrupt.fr

DNVB, le renouveau du commerce, Sébastien Tortu, 1min30 Publishing, 2019

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